PARIS (Reuters) - Nicolas Sarkozy a ébauché une stratégie pour récupérer des voix à la fois à gauche et à l'extrême droite lors de l'élection présidentielle de 2007.
Vis-à-vis des électeurs du Front national de Jean-Marie Le Pen, la droite ne doit pas craindre d'affirmer son "identité" et ses "valeurs", a déclaré le ministre de l'Intérieur lors de la dernière journée parlementaire de l'UMP avant cette échéance.
C'est pour ne pas l'avoir fait que la droite essuie régulièrement des défaites électorales depuis 25 ans, a estimé le président de l'UMP.
"C'est la grande question du Front national, que nous avons contribué à créer dans notre pays en n'assumant pas des valeurs, des idées et une politique que les électeurs nous avaient demandé à l'époque de défendre", a-t-il expliqué.
"Le Front national n'est pas une création exclusivement de la gauche. La gauche a utilisé le Front national. Mais si le Front national a pu prospérer (...) c'est parce que nous les avions désespérés tout au long de ces 30 années où nous n'avions pas réussi à affirmer une politique assez forte."
"Nous n'avons pas à nous incliner devant la pensée unique sur un certain nombre de sujets", a ajouté Nicolas Sarkozy, qui a cité la question de l'immigration.
L'UMP doit donc s'efforcer de séduire l'électorat du FN, a poursuivi le ministre de l'Intérieur.
"Pourquoi voudriez-vous que je m'empêche de parler à un électorat qui était le nôtre ?" a-t-il demandé. "Pour le bénéfice de qui ? D'une gauche qui s'apprête à gouverner avec un Parti communiste et avec l'extrême gauche la plus ringarde et archaïque d'Europe ?"
Il a notamment cité un sondage sur l'insécurité, selon lequel 88% des Français, "dont les deux-tiers des électeurs de gauche", seraient en faveur des "peines plancher" qu'il propose.
"Ce que les Français de gauche pensent, peut-être que nous, les représentants de la droite et du centre, nous pourrions le faire", a-t-il insisté.
UN "ORDRE EN MOUVEMENT"
"Mais je pense que nous pouvons également récupérer une partie de l'électorat de gauche, parce qu'il y a une partie de la gauche française (...) - et je pourrais même me reconnaître dans ses idées - qui considère que l'ordre n'est acceptable que si c'est un ordre en mouvement", a-t-il ajouté.
"Eh bien cette gauche-là, sincère, elle a toute sa place avec nous. On ne peut quand même pas la condamner à voter pour le Parti socialiste le plus archaïque d'Europe."
Nicolas Sarkozy faisait notamment allusion, semble-t-il, au Mouvement républicain et citoyen de l'ancien ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement.
"Eh bien cette gauche-là on peut la récupérer, et pareil pour les catégories populaires", a-t-il insisté. "En même temps que nous devons être plus courageux sur notre identité (...) nous devons être davantage ouverts sur les nouveaux thèmes."
"Nous ne pouvons pas nous couper de pans entiers de la société. Nous devons être beaucoup plus offensifs sur des thèmes qui n'appartiennent pas à la gauche", a-t-il ajouté.
Il a cité l'Europe, le temps de travail, le pouvoir d'achat, la famille, les discriminations, les droits des homosexuels, pour lesquels il propose un nouveau "contrat d'union civile", la situation des fonctionnaires, sur lesquels on ne peut "pas avoir comme seul discours qu'il y en a trop", ou les "patrons voyous".
Quand un patron part avec un "golden parachute", a-t-il souligné, "alors qu'il s'est trompé à la tête de son entreprise, je considère que ce n'est pas normal, que ce n'est pas raisonnable et je n'ai aucune raison de faire ce cadeau à la gauche, de caricaturer nos idées parce que nous aurions des pudeurs dans les expressions que nous utiliserions."
"C'est ça la rupture que j'appelle de mes voeux", a conclu Nicolas Sarkozy.