PARIS (Reuters) - Les enfants sont des proies de plus en plus faciles pour les sectes et l'engagement des pouvoirs publics contre les dérives sectaires est très inégal, affirme la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'influence des sectes sur les mineurs.
Aussi formule-t-elle 50 propositions destinées à "contrer les dangers du phénomène sectaire".
"Les conclusions qui se dégagent de nos travaux permettent de dresser un double constat", résume la commission d'enquête dans son rapport présenté mardi sous le titre "L'enfance volée. Les mineurs victimes des sectes".
"D'une part, les enfants constituent une proie de plus en plus facile pour les sectes. D'autre part, l'engagement des pouvoirs publics contre l'influence des dérives sectaires sur les enfants s'avère très inégal", affirme la commission d'enquête qui remet mardi son rapport au président de l'Assemblée, Jean-Louis Debré.
La commission d'enquête, créée le 28 juin dernier et présidée par Georges Fenech (UMP), le rapporteur étant Philippe Vuilque (PS), a procédé à l'audition de plus de 65 personnes.
Elle s'est également rendue à Sus (Pyrénées-Atlantiques) le 21 novembre afin d'enquêter sur la communauté biblique Tabitha's Place avant d'auditionner le 5 décembre deux de ses anciens adeptes.
Le rapport cite un haut fonctionnaire du ministère de la Santé et des Solidarités qui évalue "au minimum, de 60.000 à 80.000" le nombre d'enfants élevés dans un contexte sectaire dont "environ 45.000" chez les Témoins de Jéhovah.
Dénonçant "l'emprise mentale" sur les enfants exercée par les mouvements sectaires, le rapporteur estime que "sans aller jusqu'à (l') extrémité de la tentation suicidaire, l'emprise mentale subie dans l'organisation à caractère sectaire peut provoquer de graves troubles de la personnalité et du comportement".
POUVOIRS ACCRUS POUR LA MIVILUDES
Il ajoute que "les spécialistes de la protection de l'enfance, au-delà même du phénomène sectaire, soulignent que tous les systèmes clos sont susceptibles de favoriser la maltraitance et les abus sexuels".
La commission, qui souligne le travail "remarquable" accompli par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) depuis sa création en novembre 2002, affirme, qu'en dépit "des avancées" législatives" et la mise en place d'une politique de lutte au niveau national et régional, "force est de constater que des failles perdurent".
"Celles-ci sont perceptibles dans plusieurs domaines: la sensibilisation des administrations aux problèmes sectaires, la procédure de reconnaissance du statut d'association culturelle, les mécanismes du contrôle éducatif et l'absence de contrôle des activités des psychothérapeutes", est-il précisé.
"Les dispositifs juridiques et administratifs existants demandent à être complétés pour assurer aux mineurs victimes d'une organisation sectaire une réelle protection", estime le rapporteur.
Ainsi la commission propose-t-elle de redéfinir le régime de l'instruction à domicile et celui de l'enseignement à distance et de renforcer celui des agréments des organismes de soutien scolaire.
La commission, qui plaide en faveur d'une formation spécifique des auditeurs de justice et des avocats stagiaires au fait sectaire, veut rendre obligatoire un contrôle médical annuel par la médecine scolaire pour les enfants de plus de six ans instruits dans leur famille ou scolarisés dans des établissements hors contrat.
Elle propose également de préciser les conditions d'attribution du titre de psychothérapeute, ou bien encore, en matière de justice, d'autoriser les grands-parents à saisir directement le juge des enfants "lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d'un enfant sont en danger".
Elle demande aussi de sanctionner l'enfermement social des mineurs ou bien encore de redéfinir les conditions de l'engagement des poursuites pour prosélytisme à l'encontre des mouvements à caractère sectaire.
Enfin, elle plaide pour la création au sein du ministère des Affaires étrangères d'un poste de correspondant chargé de ce dossier et propose de renforcer les pouvoirs et compétences de la MIVILUDES tant au niveau national, que local et international.