Kamini, "rappeur rural" célèbre en quelques jours sur internet
"Je viens pas de la cité mais le +beat+ est bon/je viens pas de Paname mais de Marly-Gomont": avec un clip amateur sur internet, Kamini, rappeur "rural", a connu rapidement la notoriété en racontant ses souvenirs de gamin noir dans un tout petit village de l'Aisne.
Basket rouge, jean baggy et veste en cuir cintrée, bandeau noir dans les cheveux, Kamini, 26 ans, a repris pour les besoins des médias le chemin de Marly-Gomont (423 habitants), "un petit patelin que personne ne connaît/même pas Jean-Pierre Pernaut".
"Marly-Gomont est une chanson qui raconte ma vie", assure le rappeur, assis au pied de la belle maison picarde en briques rouges où son père d'origine congolaise avait installé son cabinet de médecin généraliste au rez-de-chaussée.
Au milieu des bocages, des vaches laitières et des églises fortifiées de la Thiérache, le fils du docteur s'est fait traiter de "bamboula", "pépito" ou "la noiraude" à l'école, car "dans la bouche des enfants/réside bien souvent la vérité des parents", si l'on en croit sa chanson.
"Il n'y a pas de bitume/que des pâtures/ça n'empêche que j'ai croisé/pas mal d'ordures", ajoute le texte. Les mots sont durs, mais le ton est sans violence ni rancune. Le clip est même un petit bijou d'autodérision, dans lequel le chanteur promène sa silhouette urbaine et "branchouille" au milieu des veaux et des tracteurs, en rappant avec les agriculteurs!
A l'origine, le clip, tourné avec une copine étudiante en audiovisuel, ne devait servir qu'à démarcher les grosses maisons de disques pour enregistrer un album, avec le soutien d'un petit label de Lille, La Plèbe.
"Une dizaine de jours après son envoi à des professionnels, il s'est retrouvé sur un forum. Trois heures après, il y a déjà 25 commentaires: +génial+, +excellentissime+, +déjà culte+...La folie furieuse", résume le responsable de La Plèbe, Martin Coulon, 32 ans.
Depuis, plus d'un million de personnes ont vu le clip sur
www.kamini.fr ouvert le 21 septembre. Une semaine plus tard, le rappeur des champs passait en prime time sur Canal Plus, sans oublier un reportage au 13H00 de TF1 de... Jean-Pierre Pernaut.
"Beaucoup de gens pensent que c'est un coup. Mais on a d'autres titres. On a déjà un album fini", assure Kamini, qui vit désormais à Lille où il gardé son travail d'infirmier psychiatrique deux nuits par semaine.
"Les majors sont entrées en contact avec nous. Elles savent que le public et les médias sont derrière nous", selon son producteur lillois.
Martin Coulon assure aussi que "Marly-Gomont" n'a rien à voir avec l'autre succès musical de l'été sur internet, "Zidane il a frappé": "La différence, c'est que Kamini est auteur, interprète et compositeur. Il a un potentiel à la
MC Solaar ou Doc Gynéco. C'est un mec qui dépasse le hip-hop...".
"Le mec n'a pas un super flow (débit vocal), la musique n'est pas fantastique, mais le propos est marrant et sans prétention", commente Olivier Cachin, critique hip-hop et auteur d'un livre à paraître sur les "100 albums essentiels du rap".
A Marly-Gomont, Kamini reçoit du courrier à son nom à la mairie. "Il a fait sentir que le mal de la campagne est identique au mal des banlieues", se félicite la maire Odile Gourlin.
Et même si selon elle "des gens du village n'ont pas compris" ses allusions au racisme, tout le monde salue et klaxonne le "rappeur rural" quand il revient au pays de son enfance.