La boulimie touche de plus en plus de jeunes femmes dans les sociétés occidentales. Un mal d'autant plus insidieux qu'il ne s'accompagne pas toujours d'une prise de poids...
C'est seulement depuis la fin des années 70 que la boulimie, caractérisée par le double acte d'ingérer et de régurgiter de la nourriture, est reconnue comme une maladie d'origine psychosomatique. Dans les pays développés, on rencontre désormais de plus en plus de boulimiques, essentiellement des jeunes femmes. "Sur le fond, la boulimie exprime une certaine forme d'agressivité refoulée et même une certaine violence, explique Jean-Pierre Royol, docteur en psychologie et psychopathologie cliniques. En réalité, la boulimie c'est la faim de loup mais aussi un désir de possession et d'emprise. Ce trouble cherche à combler comme il le peut un vide intérieur, un manque de sens, un manque de paroles".
Définition
La boulimie est une trouble du comportement caractérisé par des accès incontrôlables de fringale, avec une ingestion massive et ininterrompue de grandes quantités de nourriture, souvent en dehors des repas et en cachette, généralement suivis de vomissements provoqués. Les accès s'accompagnent d'humeur dépressive et de culpabilité.
Symptômes repérables
Selon le mini-DSM IV, la boulimie est repérable grâce à plusieurs critères diagnostiques :
- absorption, sur une courte période de temps, d'une quantité de nourriture très largement supérieure à la normale, accompagnée d'une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise.
- comportements récurrents visant à prévenir la prise de poids: vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements ou autres médicaments, jeûne, exercice physique excessif.
- les crises et les comportements qui les accompagnent surviennent en moyenne au moins 2 fois/semaine pendant trois mois.
- l'estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle.
Evolution
La boulimie sans prise de poids est fréquente en raison des vomissements provoqués, et si la personne n'en parle pas, la maladie est vécue dans un isolement total. Les conséquences physiques et psychologiques sont multiples: détérioration de l'émail des dents, troubles digestifs et lésions, irritation de la bouche et de la gorge, sentiment de honte, haine et dégoût de soi. Le risque consiste à recourir à l'alcool, aux drogues et aux médicaments pour lutter contre cette angoisse. "La boulimie peut conduire à un état dépressif plus ou moins profond avec impression insupportable de vide intérieur", souligne Jean-Pierre Royol.
Population à risque
Les conduites boulimiques se rencontrent surtout chez les jeunes femmes. La pathologie apparaît vers 17-20 ans, peut durer de longues années, et se développe ensuite beaucoup plus souvent que l'anorexie. Selon certaines études, la boulimie toucherait jusqu'à 20% des populations étudiantes.
Soins et solutions thérapeutiques
L'impulsivité et la fréquence des passages à l'acte rendent délicates les entreprises thérapeutiques avec les boulimiques. Le traitement antidépresseur peut être efficace. L'approche diététique reste indispensable. La thérapie familiale peut provoquer des prises de conscience, tant la maladie est souvent liée à la jeunesse du sujet. Les thérapies artistiques sont aussi recommandées, afin de favoriser l'expression des affects, de même qu'une thérapie analytique. "Ce trouble disparaît en psychothérapie à partir du moment où les mots remplacent les mets. On se rend compte, dans l'après-coup, que ces personnes en avaient gros sur le coeur, mais qu'elles ne trouvaient pas les mots précis pour le dire. Toutes disent qu'elles se sentaient condamnées pour toujours, ce qui est bien une manière de dire qu'à l'origine du trouble, on trouve une forte culpabilité. Dès que son origine est décodée, le trouble s'efface", analyse Jean-Pierre Royol.